Bonjour,
Cela faisait quelques temps que je n'avais donné des nouvelles sur le travail de recherche réalisé par mon équipe en collaboration avec d'autres laboratoires de recherche en France et aux Etats-Unis. La vie passe vite...
Un communiqué de presse a été récemment publié par l'Université Paris Descartes et l'Institut Curie, les deux organismes ou j'ai la chance de travailler. Akpéli Nordor, le jeune chercheur qui est le premier auteur du travail décrit dans ce communiqué est un ancien étudiant de la Faculté de Pharmacie de Paris qui est maintenant chercheur post-doctoral à l'Institut Curie et qui partage sa vie entre la France et les Etats-Unis. A Boston, il travaille au Massachusetts General Hospital et à Harvard Medical School dans le même bâtiment ou j'ai travaillé dans les années 80 et 90. Je vous parle d'un temps...
Le flambeau est en train d'être passé à la nouvelle génération et j'en suis très heureux.
Je vous souhaite d'excellentes vacances.
Communiqué de Presse
Travaillant en étroite collaboration scientifique, des équipes françaises et américaines
montrent que des mécanismes à l’origine de la vie ressemblent étrangement aux
mécanismes utilisés par les cellules cancéreuses pour fragiliser cette vie.
Dès les premiers jours de la grossesse, la survie de l’embryon est assurée par les cellules
placentaires qui l’entourent et permettent son implantation dans l’utérus. Pour permettre
cette implantation, les cellules placentaires doivent développer des capacités spécifiques :
elles migrent et envahissent les tissus de la mère, tout en échappant à son système
immunitaire, qui pourrait rejeter et détruire l’embryon.
Une équipe de l’Institut Curie,
travaillant en France avec des équipes de l’Institut national de la santé et de la recherche
médicale (INSERM), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de l’Universités
Paris Descartes et de l’Université Pierre et Marie Curie, ainsi qu’aux Etats-Unis avec une
équipe du Massachusetts General Hospital et de la Harvard Medical School, a étudié les
cellules placentaires pour comprendre les mécanismes qui sous-tendent leurs étonnantes
capacités. Parmi les 23 000 gènes contenus dans chacune de nos cellules, ces mécanismes
– dits épigénétiques – sélectionnent des gènes particuliers, dont l’expression permet aux
cellules placentaires de soutenir la vie. Pas de vie sans un fonctionnement harmonieux des
cellules placentaires.
Étonnement, ces chercheurs français et américains ont montré que plusieurs mécanismes
utilisés par les cellules placentaires pour jouer leur rôle, préfigurent les mécanismes qui
pourront être employés plus tard par les cellules cancéreuses pour migrer, envahir des
organes, échapper aux défenses immunitaires pour finalement compromettre la vie et parfois
la faire disparaître.
Ce travail qui vient d’être publié dans la revue scientifique Epigenetics (1), a été
principalement effectué par un jeune scientifique de l’Institut Curie, le Dr. Akpéli Nordor qui
depuis trois ans fait la navette entre les laboratoires parisiens du Dr. Thierry Fournier, un
spécialiste du placenta, du Pr. David Klatzmann, un spécialiste de l’immunologie, et du
Pr. Dominique Bellet, un spécialiste de la cancérologie, et le laboratoire bostonien du
Dr. Martin Aryee, un spécialiste de l’analyse de données massives en épigénomique et en
génomique.
Cette étude pilote ouvre de passionnantes perspectives puisqu’elle montre que la recherche
sur les cellules placentaires peut permettre de mieux comprendre le cancer. Sur le plan
médical, des études faites sur le placenta ont déjà permis d’importantes découvertes en
cancérologie : pour ne citer qu’un exemple, programmed death-ligand 1 (PD-L1), une
molécule ciblée par des immunothérapies qui révolutionnent actuellement la prise en charge
plusieurs cancers, a initialement été décrite dans le placenta (2, 3).
Sur le plan
philosophique, la similitude des mécanismes utilisés par les cellules placentaires, qui sont à
la base de la vie, et les cellules cancéreuses, qui peuvent parfois en provoquer la fin, nous
offrent l’occasion de réfléchir sur la valeur de l’existence humaine et sur son inhérente
fragilité.
De façon intéressante, le programme de recherche qui conduit à ces étonnants résultats a
été financé dès son origine non seulement par des institutions publiques mais aussi par des
donateurs privés engagés dans le soutien de programmes de recherche à haut risque. Ceci
souligne une fois de plus le rôle déterminant de la philanthropie dans le soutien de
programmes scientifiques audacieux (4-6).
Références :
(1) A. V. Nordor, D. Nehar-Belaid, S. Richon, D. Klatzmann, D. Bellet, V. Dangles-Marie, T.
Fournier & M. J. Aryee « The early pregnancy placenta foreshadows DNA methylation
alterations of solid tumors. » Epigenetics, 2017.
(2) Couzin-Frankel J. « Breakthrough of the year 2013. Cancer immunotherapy. » Science,
2013.
(3) H. Dong et al. « B7-H1, a third member of the B7 family, co-stimulates T-cell proliferation
and interleukin-10 secretion. » Nature Medicine, 1999.
(4) C. Leaf « Why We're Losing the War on Cancer—and How to Win It. » Fortune, 9 mars
2004.
(5) G. Colata. « Grant System Leads Cancer Researchers to Play It Safe. » The New York
Times, 28 juin 2009.
(6) A. Maxmen. « Taking risk to transform science. » Cell, 2009.